L équipe Motivation, cerveau et comportement de l Institut du cerveau* a découvert les mécanismes biologiques à l œuvre dans le cerveau après plusieurs heures de tâches cognitives exigeantes. Grâce à une technique d imagerie appelée spectroscopie par résonance magnétique, Mathias Pessiglione, neuroscientifique et coordinateur de cette étude, et Fanny Mochel, neurologue, ont mesuré la quantité de plusieurs molécules dans le cortex préfrontal latéral, une région du cerveau responsable du contrôle attentionnel. Les 40 participants de l étude ont été divisés en deux groupes. À l un étaient demandés des travaux nécessitant beaucoup d attention ; à l autre, des tâches cognitives plus simples. Les scientifiques ont ainsi mis en évidence que, lors de travaux exigeants sur le plan attentionnel, le glutamate, un neurotransmetteur permettant aux neurones de communiquer entre eux, s accumule tout au long de la journée au niveau des synapses, les zones de contact entre deux neurones. En trop forte concentration, il devient nuisible et empêche l activation normale et le bon fonctionnement du cortex préfrontal latéral.

COMMENT SURMONTER LA FATIGUE COGNITIVE ?

Faire des pauses efficaces, en changeant la nature de son activité. Exemple : en cas de travail nécessitant beaucoup de réflexion, faire une activité manuelle ou physique, et non pas consulter ses courriels.

Dormir en quantité suffisante ou faire de courtes siestes. Le sommeil assure un recyclage efficace du glutamate.

Éviter de prendre des décisions importantes après une journée d efforts intenses.

QUAND LE CERVEAU DIT STOP  AUX TRAVAUX INTENSIFS L étude démontre que cette fatigue cognitive entraîne un manque de contrôle des impulsions qui va pousser les participants, dans les prises de décisions, à choisir des solutions de facilité et des récompenses immédiates. Pour Mathias Pessiglione, ce phénomène physiologique serait donc bien un signal destiné à nous inciter à arrêter de travailler, pour nous orienter vers des activités plus récréatives. Trop sollicité, le cerveau doit dire stop pour éviter de cumuler des toxiques et compromettre son fonctionnement. Au contraire, lorsque les tâches cognitives sont espacées, un mécanisme spontané d élimination assure une régulation du taux de glutamate . Le contrôle cognitif à l origine de la fatigue mentale intervient lors de tout type de travaux intensifs, qu ils soient manuels, intellectuels ou physiques. Cet épuisement se retrouve ainsi chez les athlètes en situation de surentraînement, précise le neuroscientifique. Mais aussi chez les patients ayant des lésions cérébrales, celles ci les empêchant d utiliser leurs automatismes, tout ce qu ils effectuent doit alors être réalisé de manière contrôlée.

DÉTECTER LES SIGNES AVANT-COUREURS DU BURN-OUT Cette étude française, parue dans la revue scientifique américaine Current Biology, ne va pas s arrêter là. Reste en effet à comprendre pourquoi le cortex préfrontal accumule du glutamate et devient alors sensible à la fatigue, alors que d autres zones du cerveau, comme le cortex visuel, peuvent être activées toute la journée sans cesser de fonctionner. Nous travaillons actuellement à mieux détecter les marqueurs de fatigue mentale grâce à l électro encephalogramme, afin de pouvoir mieux anticiper les trajectoires pouvant mener au syndrome d épuisement professionnel , indique Mathias Pessiglione.

Katia Vilarasau

LA FATIGUE COGNITIVE

CE QUI DÉCLENCHE

POURQUOI NOUS SENTONS-NOUS

FATIGUÉS ET PEU APTES À PRENDRE

DES DÉCISIONS IMPORTANTES

À LA FIN D UNE DURE JOURNÉE

DE TRAVAIL ? DES SCIENTIFIQUES

FRANÇAIS ONT RÉCEMMENT LEVÉ LE

MYSTÈRE DE LA FATIGUE MENTALE.

* ICM/Inserm/CNRS/Sorbonne Université/AP-HP.

RECHERCHE

12 - Valeurs Mutualistes n°331 - 1er trimestre 2023

Des mécanismes biologiques, à l origine de la fatigue mentale, ont été identifiés dans le cerveau.