INNOVATION
10 - Valeurs Mutualistes n°332 - 2e trimestre 2023
Avatar, extension numérique d une personne réelle, la représentant dans les mondes virtuels.
Casque de réalité virtuelle permettant de plonger dans le métavers.
MÉTAVERS, LE FUTUR DE LA SANTÉ ? Espace virtuel de modélisation et de simulation, le métavers s étend désormais à la santé et ses applications se multiplient, que ce soit pour simuler un organe ou une opération, mieux comprendre une maladie ou encore administrer le bon traitement au bon moment.
Un double virtuel Mot-valise composé de méta et univers, le métavers est un monde virtuel structuré et ouvert, en trois dimensions, où une personne réelle peut jouer, apprendre ou encore travailler par le biais d un avatar ou hologramme. Investi par l industrie, le secteur des jeux ou de l événementiel, il l est à présent par les acteurs de la santé. Le concept de jumeau numérique permet de créer le double virtuel d un objet ou d un système (un cœur, un poumon ou même tout un corps) afin de l étudier et de le faire évoluer dans cet univers.
Des applications en psychiatrie Avec l assistance de la réalité virtuelle (RV), des chercheurs en thérapie comportementale ont mis au point de nouveaux moyens de lutter contre les phobies : équipés d un casque de RV et d une manette, les patients sont confrontés à une situation anxiogène, (ex. : marcher au bord du vide ou au milieu de la foule pour dompter sa peur) ; leurs troubles obsessionnels compulsifs soignés en leur faisant vivre, à travers leurs avatars, des interactions sociales ordinairement effrayantes pour eux ; leurs addictions au cannabis ou aux machines à sous traitées en les testant face aux sollicitations, etc.
Destinée aux jeunes hémophiles, l application Hemocraft fonctionne en conjonction avec le célèbre jeu Minecraft.
Des outils pratiques et ludiques Le métavers permet également aux patients de prendre en charge leur pathologie chronique. Dans Décentraland, plateforme proposée par le CH de Perpignan, une équipe soignante virtuelle (pilotée par de vrais soignants) accueille des avatars de personnes diabétiques (commandés par de vrais patients) qui souhaitent mieux comprendre et surtout mieux vivre leur maladie. Avec Hemocraft, sorte de jeu en ligne développé par l américain Pfizer, les jeunes hémophiles apprennent à gérer leur traitement.
Chirurgien utilisant un simulateur de réalité virtuelle avec hologramme.
Au service de la formation Le métavers profite aussi aux soignantes et soignants. Patrick Nataf *, chirurgien cardiaque à l hôpital Bichat (Paris), travaille ainsi à la création d une capsule de téléportation simulant un bloc opératoire à 360°, où des hologrammes de chirurgiennes et chirurgiens, anesthésistes, infirmières et infirmiers opèrent le jumeau numérique d un patient en 3D (dont la reproduction peut être anatomique, physiologique, génétique) : Les praticiens peuvent y être en contact avec ceux qui opèrent au bloc ; les chirurgiennes et chirurgiens s entraîner sur un organe avant et en cours d intervention, leurs mains superposées à celles d une experte ou d un expert qui les guident dans des gestes moins coutumiers et qui nécessitent des conseils techniques.
* Créateur, avec le Pr Boris Hansel, du diplôme universitaire Métavers en santé , destiné aux soignantes et soignants, actrices et acteurs de santé, et dispensé par le Centre de responsabilité santé connectée.
Améliorer le parcours de soin Les expériences de téléportation peuvent aussi s envisager entre un cabinet de consultation (ou une chambre d hôpital) et une capsule où serait examiné en 3D (ou même par un casque de RV) le jumeau numérique d un patient contagieux. Un gain en termes d accès aux soins, de temps, d économies de santé, etc.
Des limites à conserver Ces outils doivent être éthiquement et juridiquement irréprochables, souligne le Pr Patrick Nataf. L idée n est pas d aller vers la robotisation et la déshumanisation, mais de dégager du temps médical et relationnel et de mieux informer et prendre en charge le patient. Tant il est vrai que la frontière entre le virtuel et le réel reste assez poreuse et que, pour toutes les applications concernées, la protection des données personnelles demeure essentielle.
Isabelle Guardiola