LA CRISE SANITAIRE A AUSSI FAIT NAÎTRE DES VOCATIONS
Même si les infirmiers ont dénoncé les conditions difficiles dans lesquelles
ils devaient travailler, cela n a pas éloigné les jeunes de ce métier.
Sur Parcoursup, 10 % d entre eux ont demandé, cette année, à intégrer
un des Instituts de formation aux soins infirmiers (IFSI).
Selon l Insee, 2020 a vu aussi émerger de nouveaux entrepreneurs avec la création de 848 200 entreprises (vs 815 300 en 2019).
Un record en partie dû à l essor des micro-entreprises (45 900),
qui représentent deux créations sur trois.
Exercer son métier librement Guillaume, 39 ans, infirmier
Je travaille en soins palliatifs à l hôpital. Je suis à l aise avec cette étape de la vie de l être humain. Ne me demandez pas pourquoi ; je sais accueillir
la souffrance et l apaiser. Mais, au plus fort de la crise sanitaire l an dernier, j ai rejoint un service de réanimation pour renforcer les troupes.
Et, là, j ai vécu le chaos. Trop de malades, pas de lits pour les accueillir, l urgence en continu, sans compter les familles éplorées au téléphone
qui ne pouvaient pas voir leurs morts J ai atteint mes limites. J étais usé et culpabilisais de ne pas pouvoir faire mon métier correctement.
Je suis revenu dans mon service depuis, mais n y suis plus vraiment le même. Je ne veux plus vivre ce que j ai vécu. J ai donc décidé de quitter le public
et de m installer prochainement en libéral dans mon village. Je vais m associer avec une infirmière et proposer un accompagnement
en soins palliatifs à domicile. Chez moi, dans le Sud, la population est âgée et, aujourd hui, ce type de service est prisé par les familles.
CARINE HAHN
Quelles sont les activités professionnelles concernées par cette remise en question ? Des professeurs qui se sont sentis maltraités, des soignants épuisés qui, pour beaucoup, envisageaient déjà une reconversion. La question du sens est aussi très forte chez les cadres intermédiaires et chez celles et ceux ayant des tâches répétitives. À quoi je sers ? Quel rôle je joue ? Des questions typiques de bore out (1) et de bullshit jobs (2), présentes aussi chez celles et ceux qui ont le plus de mal à partir, car ils ne savent plus ce qu ils valent sur le marché.
Quel est le profil le plus adapté à une reconversion ? Une personne avec déjà une expérience de mobilité professionnelle, qui a un certain confort matériel, des attaches familiales solides, mais pas de jeunes enfants ou de personnes âgées à charge, et qui ne s y prend pas trop tard. Je reçois beaucoup de patients qui ont déjà laissé des plumes au travail ; ils sont trop fragiles pour affronter tout de suite une reconversion. Le déclic ne suffit pas. Beaucoup n ont pas les moyens financiers et/ou affectifs de changer.
(1) Ennui. (2) Emplois à la con , expression de l anthropologue américain David Graeber, désignant des tâches inutiles, superficielles et vides de sens réalisées principalement
par les employés de bureau.
PROPOS RECUEILLIS PAR CARINE HAHN
LE DÉCLIC NE SUFFIT PAS
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