IL EXISTE D AUTRES MOYENS DE LUTTER CONTRE LA DOULEUR
Existe-t-il d autres moyens de lutter contre la douleur ? P.A. : Oui, d autant plus que les antidouleurs de niveaux 2 et 3 sont moins efficaces sur les douleurs neuropathiques, souvent liées à une atteinte ou à un dysfonctionnement du système nerveux. Les anti épileptiques et les antidépresseurs, qui entraînent moins d effets indésirables que les opiacés, peuvent alors être proposés. Leur efficacité est toutefois modérée et observable chez seulement 50 % des patients environ. Dans le cas des douleurs psychogènes, principalement causées par des facteurs psychologiques et émotionnels, les antidouleurs ne fonctionnent pas. Dans ces cas, psychothérapies, relaxation, thérapies cognitives et comportementales, musicothérapie peuvent servir.
Et qu en est-il du cannabis thérapeutique ? P.A. : Son administration peut être réalisée sous la forme de cannabidiol (molécule du cannabis non psychotrope), de tétrahydrocannabinol (THC qui agit sur la transmission de la douleur) ou d une combinaison des deux substances.
Une expérimentation nationale a commencé. Elle inclut des patients souffrant de douleurs réfractaires aux traitements de première et deuxième intention. Ils seront suivis par des centres de référence.
Que faire lorsque la consommation d opiacés se révèle problématique ?
Philippe Arvers : Le premier réflexe est d en parler à son médecin. On peut aussi s adresser à un centre d évaluation et de traitement de la douleur ou à un addictologue dans une structure spécialisée tel un centre de soins, d accompagnement et de prévention en addictologie. En aucun cas, il ne faut arrêter le traitement de façon brutale sans avis médical. Sinon, on s expose à un syndrome de sevrage qui peut se traduire par de l anxiété, des douleurs musculaires, des troubles digestifs, etc., et peut être dangereux.
Quelles solutions si la dépendance est avérée ? P.A. : Il est possible de réduire le traitement aux opiacés de façon très progressive afin d éviter ce syndrome du sevrage. Le sevrage, lui même, peut être traité par substitution avec un opiacé à longue durée d action comme la méthadone ou bien de la buprénorphine.
Quant aux opioïdes forts (1), ils ont été responsables de plus de 400 000 décès aux États Unis entre 1999 et 2018, selon les centres de contrôle des maladies (CDC) américains.
Mieux prescrire pour un meilleur usage Afin d utiliser les antalgiques opioïdes à bon escient, le réseau de prévention des addictions (RESPADD), associé à l Observatoire français des médicaments antalgiques (OFMA) et au réseau français d addictovigilance, a publié un guide pratique (2). Y est rappelé la nécessité d établir un diagnostic et d évaluer régulièrement la douleur, de mettre en place un traitement co analgésique (avec du paracétamol, du néfopam...) et d expliquer le traitement au patient de façon détaillée. Le mésusage survient généralement lorsque l antalgie prescrite est insuffisante.
Outils éducatifs et surveillance médicale Le niveau de la douleur est subjectif mais on peut suivre ses variations dans le temps grâce à des échelles d auto évaluation chez les adultes ou des échelles comme Dompoplus ou Algoplus pour les personnes incapables de communiquer Et vérifier ainsi que le traitement est efficace , note Philippe Arvers. Il cite aussi l éducation thérapeutique : elle permet aux patients de comprendre le mécanisme de la douleur chronique et les facteurs aggravants afin de diminuer son impact sur leur qualité de vie, et in fine de mieux gérer l emploi des antalgiques. Lutter contre la douleur n est réellement efficace que dans le cadre d un travail en réseau avec les médecins, les spécialistes, les officines, où les patients sont au centre.
KATIA VILARASAU
(1) En France, leur prescription a augmenté d environ 150 % entre 2006 et 2017, selon l Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
(2) https://www.respadd.org/wp content/uploads/2018/10/Livret opioides 1.pdf
TESTER VOTRE RISQUE
DE DÉPENDANCE Reposant sur des items simples
( Vous arrive-t-il de prendre plus de médicaments que
ceux qui vous sont prescrits ? ), le questionnaire POMI permet
de se tester quant à une éventuelle utilisation inappropriée
des antalgiques.
Pour sa part, l ORT aide les médecins à dépister
le risque de mésusage avant la première prescription
d opioïdes forts.
PHILIPPE ARVERS MÉDECIN ADDICTOLOGUE À L UNIVERSITÉ GRENOBLE-ALPES
Pour en savoir plus ofma.fr
16 Valeurs Mutualistes n°325 3e trimestre 2021
PRÉVENTION